LE BAROQUE PYRÉNÉEN

En France, si la doctrine privilégie l’art classique, il y a cependant des domaines où il pénètre mal. Les abstractions de la doctrine d’Etat ne conviennent pas aux représentations sensibles dont le petit peuple a besoin pour alimenter sa foi religieuse. L’immense majorité de la population d’origine paysanne n’a d’autre évasion de sa rude existence que les ors et les splendeurs de ses églises qui sont l’image du Paradis. En outre, étant analphabète et encline à la superstition, il convient, selon les principes édictés lors du Concile de Trente, de canaliser et d’éclairer sa spiritualité. C’est dans ce but que l’on construit des lieux de culte ou que l’on remanie le mobilier de ceux qui sont déjà en place en introduisant des retables qui sont de véritables catéchismes à l’usage des plus humbles. Les estampes font connaître, sous le burin de Lepautre ou d’autres graveurs, les autels à la romaine et les baldaquins dont s’inspirent les ateliers locaux. Cette production baroque qui met en place colonnes salomoniques, statues, guirlandes pots à feu, corbeilles aux couleurs vives échappe au contrôle de l’Académie. L’activité a été très importante, un peu partout, du pays d’Auge à la Provence, du Périgord aux régions de la Loire où certaines écoles ont eu un rayonnement très étendu. A l’extrémité de la Bretagne comme au Pays basque, les sculpteurs qui travaillent à la décoration des navires dans un style somptueux et baroque sont souvent les mêmes que ceux qui œuvrent dans les églises (Réf : Victor-L.Tapié). 

Retable de l’église Saint-Fructueux d’Itxassou, Pays basque
Retable de l’église Saint-Fructueux d’Itxassou, Pays basque
Dans les Pyrénées, il suffit de franchir le seuil des églises de nos villages, à l’architecture parfois austère. Le visiteur y découvre bien souvent un très riche décor sculpté, doré et peint, qui contraste fortement avec la pierre et l’ardoise grise de l’extérieur. Nos montagnes ont été accueillantes pour cette nouvelle forme artistique que des familles de sculpteurs ont développée d’un bout à l’autre de la chaîne, de l’Atlantique à la Méditerranée.
Les ateliers de sculpteurs du Pays basque sont encore peu documentés, malgré les travaux de recherche d’Odile Contamin, Robert Poupel et Olivier Ribeton. La proximité artistique des œuvres avec celles de la partie espagnole semble moins évidente que du côté roussillonnais. Elles sont plus proches parentes de celles du Béarn tandis que de l’autre côté de la Bidassoa, l’influence des Churriguera et de leurs collègues est très présente.
En Béarn, les Dartigacave, originaires de Sainte Colome, près d’Arudy, travaillent jusqu’au Pays Basque à partir des premières années du XVIIIème.
Jean Dartigacave, retable et autel, église Sainte-Croix d’Oloron, 1708
Jean Dartigacave, retable et autel, église Sainte-Croix d’Oloron, 1708
Quant à la Bigorre où se situe La Maison des Ferrère et du Baroque pyrénéen, elle abrite un mobilier baroque extrêmement riche et bien documenté grâce au travail de pionnier réalisé par Françoise-Claire Legrand autour de la « dynastie » de sculpteurs Ferrère.
Marc Ferrère, retable, église de Campan
Marc Ferrère, retable, église de Campan
En Andorre, le travail de Jean-François Galinier-Pallirola illustre cette religion populaire à l’œuvre, à l’abri des guerres de religion, n’ayant connu ni révolution ni guerre civile.
Retable d’une chapelle latérale Eglise Sant Corneli y Sant Cebria d’Ordino, Andorre
Retable d’une chapelle latérale Eglise Sant Corneli y Sant Cebria d’Ordino, Andorre

La situation du Roussillon est encore différente. C’est l’historien de l’art Emile Cortade qui en a tracé les grandes étapes. La production baroque débute vers 1640 alors que le Roussillon est encore espagnol et en guerre.  En 1659, le traité des Pyrénées qui rétablit la paix ne coupe pas les liens culturels entre les catalans du Nord et du Sud. De fait, tous les sculpteurs du très riche Roussillon baroque sont issus du versant espagnol : la dynastie des Sunyer, les Trémulas ou encore les Générès ; seul le carcassonnais Mélair vient de France.

Joseph Sunyer, retable (détail), église Saint-Pierre de Prades
Joseph Sunyer, retable (détail), église Saint-Pierre de Prades