L'ART BAROQUE

Le baroque est le style qui a régné en Europe au XVIIème siècle et dans la première moitié du XVIIIème. Le mot dérive du portugais barroco par lequel les orfèvres désignent une perle irrégulière, donc mal venue. C’est ainsi qu’au XVIIIème, il devient synonyme de « bizarre » et prend un caractère péjoratif. Cette désignation lui est appliquée par les tenants du néo-classicisme qui le trouvent surchargé, de « mauvais goût ». 
 
Ce courant qui succède au maniérisme naît à Rome au début des années 1600. En architecture, il produit des formes grandioses et dynamiques qui intègrent les éléments de la Renaissance mais avec plus de liberté, en les poussant vers une sorte de paroxysme théâtral. La stricte définition des ordres est battue en brèche. Les concepteurs les mêlent les uns aux autres, en modifient les proportions, inventent des combinaisons nouvelles. Le jeu des volumes tantôt convexes tantôt concaves, les lignes courbes et les contre-courbes succèdent à la rigoureuse géométrie de l’époque précédente qui privilégiait la ligne droite. La décoration, abondante, accumule les ornements sculptés. A l’intérieur, les édifices se parent de riches matériaux comme le marbre et le bronze. Les grands architectes de l’époque, Le Bernin, Borromini, rivalisent avec les peintres dans l’art de la perspective et du trompe-l’œil.
Borromini, église Saint-Charles aux quatre fontaines, Rome
Borromini, église Saint-Charles aux quatre fontaines, Rome

Que ce soit en peinture ou en sculpture, les figures sont toujours en action, tendant vers quelque au-delà du lieu ou du temps où elles vivent. Les plafonds d’églises ou de palais se couvrent de fresques qui s’ouvrent sur des visions célestes ou mythologiques, illustrées au palais Farnese par Annibal et Augustin Carrache, au palais Barberini par Pierre de Cortone et à Saint-Ignace de Rome par le père Andrea Pozzo qui réalise là l’expression la plus accomplie du genre. Le tableau baroque est une apparition ou une métamorphose. En même temps, naît sous l’impulsion du Caravage, une tendance réaliste qui renouvelle la peinture par des modèles populaires. 

Pierre de Cortone, Triomphe de la divine providence, Palais Barberini, Rome
Pierre de Cortone, Triomphe de la divine providence, Palais Barberini, Rome

La sculpture baroque se caractérise par un retour au réalisme, l’utilisation des matériaux les plus divers ainsi que leur conjugaison à d’autres formes d’expression, peinture et architecture. Les figures baroques évoluent dans toutes les directions de l’espace. Le mouvement est projeté vers l’extérieur par des lignes de tension complexes hélicoïdales ou serpentines et une multiplicité de plans ou de points de vue. L’émotion est portée à un degré de tension jamais égalé jusqu’alors. Les draperies se tordent, tourbillonnent accentuant le mouvement et l’effet dramatique. Les sculpteurs déploient une virtuosité incomparable dans le rendu des formes anatomiques les plus complexes comme dans celui des textures. Ils usent de tous les artifices de la lumière pour mettre en valeur leur habileté plastique et donner à leurs ouvrages une dimension théâtrale et spirituelle. Artiste de génie, Le Bernin, dont l’atelier concentre la plupart des commandes de l’époque, est le chef de file incontesté de ce mouvement.

Le Bernin, Apollon et Daphné, Galerie Borghese, Rome
Le Bernin, Apollon et Daphné, Galerie Borghese, Rome

L’esthétique baroque se propage bientôt dans toute l’Europe à des degrés divers grâce à la gravure, à des artistes qui ont fait le voyage à Rome et pour certains travaillé dans l’atelier du Bernin. Ayant regagné leurs pays d’origine, ils appliquent les nouvelles formules en les adaptant au goût et à la sensibilité de leurs commanditaires. 

Certains pays comme l’Angleterre, la Hollande, la France lui résistent tout en intégrant certaines caractéristiques de son style. D’autres territoires comme l’Espagne et la Flandre, l’Autriche et les pays germaniques s’y adonnent sans compter. Dans les palais royaux, l’art baroque doit persuader les sujets de la gloire de leur monarque, dans les églises convaincre le fidèle des vérités de la foi. 

L’Angleterre l’accueille avec parcimonie parallèlement à sa propre tradition qui est classicisante. La reconstruction de Londres par Sir Christopher Wren après l’incendie de 1666 se fait dans un baroque tempéré. Les monuments les plus baroques sont ceux de Nicolas Hawksmoor et John Vanbrugh à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème. 

Nicolas Hawksmoor, St George in the East (1714–29), East end
Nicolas Hawksmoor, St George in the East (1714–29), East end

La Hollande, également réfractaire à la vague baroque, se laisse cependant séduire par un filon caravagesque qui pénètre dans la peinture à Utrecht. Mêlé à d’autres composantes, il aboutira à Rembrandt.

Rembrandt, La Ronde de nuit, 1642, Amsterdam, Rijksmuseum,
Rembrandt, La Ronde de nuit, 1642, Amsterdam, Rijksmuseum,
Charles Le Brun, Projet de bassin avec une Néréide, pierre noire lavis, 37,7 × 56,5 cm.  Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, inv. 0.121.
Charles Le Brun, Projet de bassin avec une Néréide, pierre noire lavis, 37,7 × 56,5 cm. Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, inv. 0.121.

Le cas de la France est complexe. Patrie du classicisme, elle a cependant adopté des éléments baroques dans son architecture, sa sculpture et sa peinture. François Mansart considéré comme un des créateurs du style classique « à la française » et qui ne semble pas être allé en Italie conçoit le projet de l’église du Val de Grâce (achevée par Lemercier) très proche du baroque romain ne serait-ce que par son dôme. Même Le Brun, cet apôtre de la doctrine classique, devient dans ses projets de fontaines un dessinateur baroque. Pierre Puget avec son Milon de Crotone et ses Atlantes de Toulon porte à son paroxysme les sentiments de la douleur et de l’effort dans une tension clairement baroque. Sous la Régence et le règne de Louis XV, le style rococo (sorte d’apothéose du baroque) qui sera pratiqué au XVIIIème par la plupart des pays d’Europe apparaît chez des graveurs ornemanistes comme Oppenord, Nicolas Pineau et, plus tard, François de Cuvillies et il se développe dans le décor des boiseries d’un certain nombre d’hôtels parisiens. En France, il touchera peu l’architecture restant un parti pris décoratif.

En Espagne le baroque a été précédé par le style plateresque qui est déjà un art de foisonnement. Il se manifeste surtout dans l’art des retables, immenses, mais aussi dans la sculpture polychrome dont Juan Martínez Montañés est un des représentants notables. L’Espagne connaît une grande variété d’écoles baroques régionales. La plus exubérante est celle de Séville où les Figueroa élaborent un style qui sera introduit en Amérique latine. Les frères Churriguera architectes et sculpteurs prêtent leur nom à l’art churrigueresque qui donne ses lettres de noblesse au baroque espagnol. Parmi les peintres emblématiques de la période, il convient de citer Velazquez, Zurbaran et Murillo sans oublier Ribera installé à Naples.

 

Juan Martínez Montañés, Inmaculada, Séville, Cathédrale

Juan Martínez Montañés, Inmaculada, Séville, Cathédrale

José Benito Churriguera, Retable de San Estaban, Salamanque.
José Benito Churriguera, Retable de San Estaban, Salamanque.

Dans les Flandres, Pieter Paul Rubens, après un séjour en Italie, introduit un art figuratif savant qu’il anime d’une puissante vitalité tandis qu’autour de lui des peintres célèbrent la nature sous tous ses aspects. 

 

Rubens, Les horreurs de la guerre, Huile sur toile, 1637, 206 x 345 cm, Palais Pitti, Florence

Rubens, Les horreurs de la guerre, Huile sur toile, 1637, 206 x 345 cm, Palais Pitti, Florence

 

Si les pays germaniques n’accèdent que tardivement au baroque en raison des troubles provoqués par la guerre de Trente ans et des luttes contre les Turcs, ils vont cependant l’adopter sans réserve à partir de la deuxième moitié du XVIIème siècle. Style de grands seigneurs et de paysans catholiques, art de palais et d’abbayes mais aussi d’imagerie, de décor et de fêtes rustiques, il se développe dans toute l’Europe centrale. Les villes s’en trouvent transformées. L’une d’elles surtout, Prague, accumule les palais et les jardins surgissant les uns après les autres comme un décor de rêve. Les vieilles rues de Vienne font peau neuve, désormais bordées de façades somptueuses. Parmi les promoteurs de cet art, il convient de citer, Schlüter grand sculpteur et architecte prussien qui semble avoir été un disciple direct du Bernin. L’Autriche possède de remarquables architectes comme Fischer, Erlach et Hildebrandt. En Bavière œuvrent les frères Asam, des maîtres italianisants qui pratiquent un art théâtral. 

Egid Quirin Asam, L'Assomption, Abbaye de Rohr
Egid Quirin Asam, L'Assomption, Abbaye de Rohr

En Saxe, Pöppelmann déploie avec le Zwinger de Dresde l’architecture la plus fantaisiste en compagnie du sculpteur Permoser.

Matthaüs Daniel Pöppelmann, Palais Zwinger Dresde
Matthaüs Daniel Pöppelmann, Palais Zwinger Dresde

Toute l’Allemagne du Sud, en pleine effervescence baroque, produit ses plus grands chefs d’œuvre lorsque ses stucateurs dont la virtuosité est incomparable adoptent le système ornemental français, le Rococo.

Eglise de Wies (considérée comme le chef-d’œuvre mondial du Rococo)
Eglise de Wies (considérée comme le chef-d’œuvre mondial du Rococo)